M. Fuß, sapeurs-pompiers principal, commandant d’engin dans un service d'intervention, a été muté à partir du 4 janvier 2007 dans un autre service pour avoir demandé par lettre que son temps de travail hebdomadaire, qui était de 54 heures par semaine, ne dépasse plus la limite des 48 heures et demandé également une compensation pour les heures supplémentaires effectuées illégalement.
Le juge rappelle que la limite maximale posée par l'article 6 « constitue une règle de droit social de l'union revêtant une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur en tant que prescriptions minimales destinées à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé ». Les dérogations prévues par les États membres sur le fondement de l'article 22 paragraphe 1, premier alinéa, sont subordonnées à des conditions strictes permettant d'assurer une protection de la santé et de la sécurité du travailleur, parmi lesquelles l'interdiction qu'un travailleur subisse un préjudice s'il ne donne pas son accord pour effectuer un tel travail. Il rappelle également que les activités des forces d'intervention d'un service public de sapeurs-pompiers relèvent, hors circonstances exceptionnelles d'une particulière gravité, du champ d'application de la directive 2003/88/CE, de sorte que, en déduit-il, « celle-ci s'oppose au dépassement du plafond de 48 heures prévues par la durée maximale hebdomadaire de travail, y compris les services de garde ». Or, la réglementation du Land imposait un dépassement, constitutif du seul fait de ce dépassement, d'un préjudice « dès lors qu'il est ainsi porté atteint à sa sécurité et à sa santé ». Il précise enfin que les dispositions posées par l'article 6 sous b) remplissent « les conditions requises pour produire un effet direct » et constate que la mutation forcée imposée à M. Fuß a pour effet « de vider de toute substance le droit conféré par ledit article ». La cour dit donc pour droit que « L’article 6, sous b), de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui permet à un employeur du secteur public de procéder à la mutation forcée dans un autre service d’un travailleur employé en qualité de sapeur-pompier dans un service d’intervention, au motif qu’il a demandé que la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire prévue à ladite disposition soit respectée dans ce dernier service. La circonstance qu’un tel travailleur ne subit, en raison de cette mutation, aucun préjudice spécifique autre que celui résultant de la violation dudit article 6, sous b), est à cet égard sans incidence ».
Service public, contraintes de service public, dépassement d'horaire, mutation forcée, voilà des ingrédients qui pourraient peut-être être transposés, en fonction des législations nationales, dans d'autre États membres. Il s’agit d’un rappel salutaire de l'importance accordée par le juge à une règle de droit social fondamental de l’Union.
Dans un arrêt ultérieur (affaire C - 429/09, Günter Fuß, 25 novembre 2010), la Cour a statué dans le cadre d'une demande de décision préjudicielle, sur la possibilité pour M. Fuß d'engager la responsabilité de l'État membre concerné « afin d'obtenir réparation du dommage subi du fait de de la violation de l'article six sous b) de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du conseil, du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ».
L'État membre ne peut subordonner la réparation demandée à l'existence d'une faute « allant au-delà de la violation suffisamment caractérisée dudit droit » et à la condition que le travailleur en question ait adressé une demande préalable à son employeur pour obtenir le respect de ladite disposition.
Le juge ajoute qu'il appartient au juge national de statuer sur la réparation, soit sous forme de temps libre, soit sous forme d'une indemnité pécuniaire.