Chaque année, un thème est sélectionné : « Hôpital 2020 » en 2015, « La qualité d’abord » en 2014, « La sécurité des patients en pratique » en 2013 etc. Le mois d’échange est suivi d’une agora de tous les stagiaires dans un des pays d’accueil (La Hague en 2014, Varsovie en 2015, Rome en 2016). Cette agora constitue un moment exceptionnel d’échange entre participants.
En pratique, les stagiaires sont accueillis dans leur établissement où un planning de rencontres a été établi en commun selon le profil du stagiaire : directions fonctionnelles, services de soins, plateaux techniques, médecine de ville et même établissements environnants. Des échanges riches s’ensuivent et permettent de partager des pratiques professionnelles et mode de fonctionnement : dépaysement garanti. Cet échange européen est aussi une opportunité pour créer des coopérations, où on découvre que tout établissement a de bonnes pratiques à partager avec les autres.
En 2015, 128 professionnels de santé européens ont participé à ce programme, dont 6 français. Voici leur témoignage.
Espagne - Complejo asistencial de Segovia
Anne VIGUIER – Cadre de santé – Chirurgie digestive – CHU Toulouse Rangueil - [email protected]
Ce qui m'est apparu dominant et innovant est la démarche d'intégration des soins de santé primaire et des soins spécialisés :
- un directeur unique pour les 2 structures et un comité de direction hebdomadaire commun ;
- des services et unités communes : pharmacie, recherche, formation professionnelle ;
- une bibliothèque virtuelle commune pour tous les professionnels ;
- le développement d'un dossier patient informatisé médical et paramédical commun ;
- une gestion commune des patients ayant des maladies chroniques : entrée directe des patients en unité spécialisée de médecine interne, sans passage par les urgences ;
- la formation des aidants familiaux.
La gestion des potentiels donneurs d'organes est aussi très efficiente. Un médecin et une infirmière des soins intensifs sont coordinateurs :
- ils sensibilisent les professionnels ;
- ils voient chaque famille de potentiels donneurs ;
- ils contrôlent tous les dossiers des patients décédés aux soins intensifs et de nombreux dossiers des patients décédés en neurologie : l'objectif est de vérifier que chaque fois que cela était indiqué, la demande de don a été faite à la famille ;
- ils créent les documents de travail ;
- ils suivent et analysent les statistiques du nombre de décès par mort cérébrale, du nombre de dons etc.
En période de crise économique les professionnels sont très sensibilisés à la nécessité de la gestion des coûts. Cela facilite l’acceptation de certains changements en vue d’une efficience optimale. La direction incite tous les médecins à suivre une formation de gestion des services de santé de 50h.
Allemagne – Clinique Lukas Gesellschaft de Dortmund
Claire Mirambeau - Directrice logistique – CHU de Poitiers - [email protected]
Tout d’abord, j’ai été impressionnée par la dématérialisation en général :
- le dossier patient est scanné une fois le patient sorti par une société privée qui numérise toutes les pages du dossier papier. Ainsi à tout moment, les praticiens peuvent consulter le dossier patient sur leur outil métier ;
- les factures des fournisseurs sont scannées pour ensuite être liquidées et payées automatiquement par les fournisseurs ;
- les dossiers des agents sont eux aussi scannés pour partager les données Ressources Humaines en transversal dans la clinique. Seul le contrat de travail de l’agent est conservé au format papier. Zéro kilomètre d’archives à gérer…
La qualité des soins étant acquise dans une grande majorité des établissements de santé de l’Allemagne, la clinique Lukas Gesellschaft mise sur la qualité hôtelière par le concept Lukas Deluxe. Le principe est axé autour du séjour du patient et de la prestation dans sa chambre (repas, vêtement de bain, journal…). L’hôpital devient un hôtel, où tout est organisé pour apporter confort et bien-être aux patients.
La prise en charge de patients étrangers est un autre exemple innovant où les outils marketing sont utilisés pour attirer une patientèle étrangère, demandeuse de soins de qualité et prête à « payer le prix ».
Enfin, la direction des soins de Lukas Gesellschaft a travaillé depuis de nombreuses années sur l’optimisation des effectifs. Les ratios de soignant par lit sont très faibles (inférieur à 0.5 ETP par lit) et méritent de s’y attarder pour mieux comprendre la prise en charge des patients, nuit et jour, en semaine et pendant les week-ends.
Royaume-Uni - Clinical Commissioning of Halton ‐ One Halton CCG
Gilles Evrard – Ingénieur en chef chargé du Service Biomédical – CHU La Réunion - [email protected]
J’ai pu constater lors de différentes réunions :
- un management exemplaire du système de santé entre les professionnels des différentes structures (administratifs, médecins, soignants, politiques, patients...) ;
- des échanges toujours orientés sur le patient avec recherche pour optimiser son parcours dans le système de soins et les dépenses associées ;
- une réelle famille nationale de santé sous l’entité NHS (National Health service) avec des personnels motivés et fiers d’appartenir à cette institution.
Les points les plus innovants que j’ai pu constater sont les suivants :
- existence de nombreuses POLICY (règles, process, politiques) permettant un management optimal de la qualité dans les soins et impactant tous les personnels ;
- échanges entre professionnels internes et externes à l’hôpital pour améliorer le suivi du patient, les médicaments donnés, les meilleurs soins pour le patient et les dépenses associées ;
- formation de tous les personnels dans le Leadership avec NHS Academy : ce système en place depuis 2 ans permet à chaque personnel de pouvoir évoluer dans le système da santé et de former chaque année des milliers de personnes ;
- existence de nombreux indicateurs en temps réel pour le suivi de l’occupation des lits dans toutes les structures, des attentes des patients aux urgences avec délai maximum de traitement du patient (4 heures), report aux autorités supérieures type CCG à intervalle régulier dans la journée ;
- service d’ambulance national très performant avec délai fixé pour la gestion des patients (exemple 8 min maximum pour amener un patient aux urgences si urgence vitale) ;
- découverte d’un concept de soins particulier avec Wellbeing Entreprises (unique à Halton et innovant en UK). En liaison avec les GP (general practitionner), cet organisme permet à certains patients d’être traités différemment. Cela concerne notamment les patients dépressifs ou ayant des problèmes sociaux ou de famille et de réorienter leur vie via des activités diverses et variées. L’originalité se situe dans le fait que les patients sont envoyés par le médecin traitant qui prescrivent cet acte. Cet organisme est en contrat avec le NHS.
- COMICS (unique à Halton et innovant au Royaume-Uni) : utilisation de bandes dessinées pour aider les patients à suivre leur santé. Ces bandes dessinées sont adaptées aux personnes ayant des difficultés de lecture ou de compréhension dans un but de prévention
- le système anglais prône beaucoup le bien-être des patients et leur autogestion avant de consulter un médecin.
Pologne - Hôpital de Biala-Podlaska
Marie-Odile COUSIN - Cadre de santé – G.C.S. STERHOSPIC de Saint- Quentin - [email protected]
L’organisation centrée sur le patient où tout est mis en place pour :
- ne pas perdre de temps et gommer la logistique :
- la salle de césarienne est attenante à la salle d’accouchement,
- au fond su service de chirurgie d’ophtalmologie il y a la salle d’opération, idem pour l’orl.
- Les urgences sont attenantes au service de réanimation et de bloc opératoire.
- Les couloirs sont larges et permettent facilement le déplacement des lits. Un équipement de pointe est disponible dans les différents services (ex : appareil de massage cardiaque automatique)
- le confort des patients dans la mesure du possible, les chambres sont encore à 2 où 3 lits mais il y a une salle réservée dans chaque service où ils peuvent se faire un thé ou un café. Dans une salle d’isolement, il y a même un parloir pour que les proches puissent communiquer avec le patient ;
- l’information du patient, à chaque porte de chambre, 2 plaquettes aimantées avec le nom du médecin et de l’infirmière qui prend en charge le patient. Aux consultations, informations sur écran et à chaque porte de consultations, pas de tension malgré la foule d’attente.
- la suite des soins, à la sortie, les proches sont formés pour continuer les soins à domicile car il n’y a pas d’infirmier libéral.
Le dynamisme
- tous les services sont certifiés ISO 9001 ;
- l’hôpital se modernise, création de nouveaux bâtiments et achats d’équipements de pointe.
La recherche d’efficience :
- la création d’un hôtel au-dessus du bâtiment administratif, prioritairement pour les parents des enfants hospitalisés et pour les familles, pour proposer des formules complètes de formation et logement pour des stagiaires divers (HOPE). Un projet de démarchage commercial est prévu ensuite pour rentabiliser les chambres et ouvrir à des événements particuliers (mariage, anniversaire etc.)
- le laboratoire ouvert sur l’extérieur avec des points de prélèvements à différents endroits de la ville où un agent de l’hôpital va collecter tous les jours
La frontière de l’Union Européenne :
- le nouveau service des maladies infectieuses pour stopper toute progression à l’entrée du pays ;
- la coopération transfrontalière avec la Biélorussie dans la prise en charge des arythmies cardiaques.
Pays-Bas – Centre Hospitalier Spaarne Gasthuis à Haarlem et Hoofddorp
Vincent ERRERA – Directeur des ressources humaines et des affaires médicales – CH Eaubonne-Montmorency - [email protected]
Une des originalités du système de santé hollandais réside dans son mode de financement. La prestation d’assurance-maladie de base obligatoire et son prix sont définis chaque année par le parlement, mais est venue par des assurances privées. Ces dernières rémunèrent des structures de soins privées non lucratives dans un contexte concurrentiel. L’Etat ne gère ni l’assurance maladie, ni les structures de soins. Il est responsable de l’accessibilité et de la qualité des soins.
L’impact sur la tarification à l’activité est intéressant. 80 % des GHS n’ont pas de prix fixe. Ce dernier résulte de négociations prix / quantité entre les 6 assureurs et des 85 hôpitaux du pays. En pratique, si le GHS de prothèse de hanche est trop cher dans l’hôpital A, les assureurs n’achèteront pas ce produit et orienteront leur client dans l’hôpital B, le tout dans un pays très densément peuplé. Il appartient donc aux hôpitaux de rationaliser leur offre de soins pour rester compétitifs, le risque de suppression de service ou de fermeture partielle ou totale de l’établissement étant réel.
Du coté des patients, une franchise obligatoire de 375 € a été mise en place pour les soins hospitaliers, alors que la médecine de ville est « gratuite » pour les patients (rémunération per capita en fait). Cela décourage les venues intempestives aux urgences, dont les salles d’attente semblent étrangement vides comparées aux urgences d’Eaubonne. Ce système fonctionne grâce à une médecine de ville solidement organisée en cabinets de plusieurs dizaines de praticiens garantissant un accès permanent, en plus de la présence d’une généraliste aux urgences la nuit et le week-end.
Un autre point marquant est le dossier patient unique informatisé, que de nombreux pays ont déjà adopté, notamment les petits pays pour des raisons de taille. Le Spaarne Gasthuis est équipé du logiciel EPIC qui couvre l’intégralité de la chaîne de soins et élimine totalement le dossier papier. Les dossiers patients sont donc actualisés en direct, accessibles aux patients sur leur espace web personnel et aux médecins généralistes. Le dossier est également exportable en format HL7 vers d’autres logiciels DPU. Le corolaire de ce logiciel est l’investissement massif de l’établissement dans le système d’information hospitalier avec des équipes (50 agents sont affectés uniquement sur EPIC) et des budgets importants.
Enfin, on pourrait signaler d’autres points marquants comme :
- la permanence de chambres doubles ou quadruples, même dans les nouveaux bâtiments, tant pour des raisons financières que culturelles (repas pris en commun dans une salle du service pour les patients valides) ;
- la présence de pharmacie dans le hall de chaque hôpital, permettant aux patients de sortir avec leurs médicaments. Le Spaarne Gasthuis dispose même d’une unité de production de médicaments et d’automates (pour les cytostatiques et les injectables) ;
- l’existe de « flex-space », espaces de travail collaboratifs modulables selon les besoins ;
- une mentalité très « business » : un pilotage médico-économique très rigoureux (avec le SIH qui va avec), on présente un « business case » pour développer un service, le prix de consommables sont affichés sur les tiroirs en salle de soins etc.
Finlande – OYS – Oulu University Hospital
Anne PRACCA, Psychiatre des Hôpitaux, Chef du Pôle de Psychiatrie Infanto-Juvénile de l’Ariège, Centre Hospitalier Ariège-Couserans -[email protected]
L’organisation du système de santé finlandais est, comme dans tout pays, inter-dépendant de l’organisation institutionnelle et donc collective de la Finlande. La Finlande est politiquement basée sur un fonctionnement horizontal, les municipalités étant les premiers décideurs et financeurs, et non un système vertical étatique. Ce qui induit des différences fondamentales dans la conception du système de santé, centrée non théoriquement mais pratiquement sur le patient, évolutivement le citoyen, en passe d’être une personne.
Qui est considéré non comme un organe malade, mais un individu dans son environnement. Exemple : une personne ayant été hospitalisée en soins intensifs sera revue à 1 mois, 3 mois, 6 mois par le médecin qui l’a pris en charge, avec une des infirmières du service, le kinésithérapeute, l’assistante sociale. Outre une évaluation complète de son état global, de son évolution, de ses besoins dans son contexte de vie précis, il est véritablement accompagné par l’équipe qu’il connaît dans sa vie après l’hôpital. En lien avec les différents services qui sont amenés à intervenir auprès de lui.
Les liens entre les acteurs de la santé et les services sociaux sont d’ailleurs resserrés par les dernières lois, la nécessité d’une coopération étroite s’étant montrée indispensable. Le cadre législatif du système de santé est établi et reconsidéré en fonction des nécessités et des évolutions sociétales, toujours débattu et décidé démocratiquement. Ce qui peut prendre plusieurs années mais permet ensuite son acceptation sans discussion. Exemple : depuis quelques années, les infirmiers ayant suivis une formation supplémentaire réglementaire spécifique sont prescripteurs de médicaments listés.
Les infirmiers sont reconnus et soutenus dans leur fonction de cheville ouvrière du système de santé finlandais. Dont le véritable cœur est le « skill-mixed », travail pluridisciplinaire en co-construction autour et pour le patient. Exemple : la formation des étudiants à la pratique clinique, dans des mises en situation sur mannequin de très haut niveau technologique ou plus tard en situation réelle, associent les étudiants en médecine et les étudiants infirmiers.
Quant aux technologies, elles sont là encore inventées conjointement à partir des besoins repérés par les soignants et utilisées pour ce qu’elles devraient être, un outil permettant d’améliorer les relations inter-personnelles. Exemple : Un kinésithérapeute qui organise des séances collectives de rééducation par visioconférence. Résultat : Des personnes âgées isolées qui décident de partager un repas en visioconférence.
Tant d’autres sujets : l’organisation par niveaux de soins, la qualité du service de santé primaire, la conception et le rôle particulier de la médecine du travail, le secteur privé prestataire de service du service public, les éco-systèmes, l’ajustement des effectifs aux besoins du patient. Mais surtout : LES ENFANTS et la PREVENTION.
Et encore : comment le programme d’échanges HOPE, au-delà de la mise en perspective du système de santé français, induit un retour réflexif sur notre pays, permet d’appréhender l’organisation des systèmes de santé dans d’autres pays européens au travers des échanges avec les autres participants, de mieux situer les enjeux européens communs. De relativiser la mondialisation car la latitude donc le climat ancrent toujours les rythmes des populations, leur quotidien, leur manière d’être au monde.
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