Les Universités d'été de la FHF 2022 : État d’urgence(s)

Date de publication : 15 Novembre 2022
La FHF réunissait les 6 et 7 septembre 2022 ses représentants régionaux, adhérents et partenaires pour de nouvelles Universités d’été sur le thème « État d’urgence(s) » à PariSanté Campus. Une édition marquée par la réflexion suivante : « comment répondre à l’urgence et construire des solutions pérennes pour en sortir ? ».

Urgences de santé publique : quels chantiers prioritaires ? 

Le premier jour des Universités d’été 2022 de la FHF, le 6 septembre 2022, a été l’occasion pour les fédérations hospitalières régionales de dresser un diagnostic concret de l’accès aux soins dans chacune de leur région. Un constat ayant pour objectif d’identifier les priorités de chaque territoire, adressées à François Braun, Ministre de la Santé et de la Prévention, afin d'apporter la contribution de la FHF au CNR Santé. 

 

Ressources humaines, accès aux soins, décloisonnement : les priorités du gouvernement

Le ministre de la Santé et de la Prévention, qui a ouvert ces Universités d'été, a tenu à rappeler la priorité du gouvernement concernant la lutte contre toutes les formes d’inégalité d’accès aux soins, « contraires à l’esprit républicain ».

Pour François Braun, la seconde priorité porte sur la mise en place de moyens permettant aux personnels de santé d’œuvrer dans les meilleures conditions pour garantir un accès aux soins de qualité. La question des ressources humaines doit ainsi être au cœur des actions menées.

Le ministre a aussi souligné l’importance de décloisonner en profondeur le système de santé, qui doit fonctionner de manière solidaire et unifiée.

François Braun, Ministre de la Santé et de la Prévention

« L’horizon de travail sera double. Il s’agira en effet de traiter l’urgence de la situation, et, parallèlement, de préparer le pays pour l’avenir. L’hôpital aura un rôle clé à jouer dans la refondation du système de santé, ce qui augure des défis, mais également des opportunités. À cet effet, toutes les contributions des forces vives seront précieuses. »

"Marteler l'urgence" sans s'en tenir à l'entre-soi hospitalier : le dernier mot de Frédéric Valletoux

Ces Universités d'été 2022 avaient une tonalité particulière avec la dernière intervention de Frédéric Valletoux, qui a présidé la FHF pendant 11 années, avant l'élection d'un nouveau président le 21 septembre 2022. Le président a été chaudement applaudi par l'assemblée, debout au terme de sa prise de parole.

Frédéric Valletoux, ancien président de la FHF

« Les Universités d’été sont l’occasion de provoquer des regards croisés sur le système de santé et de ne pas s’en tenir à l’entre-soi hospitalier. Le secteur hospitalier est aujourd’hui au pied du mur. Il faut marteler l’urgence de mener aujourd’hui les réformes esquivées depuis 15 ans. »

Haut Conseil de la Santé Publique : cinq priorités pour une refondation

Le professeur Didier Lepelletier, président du HCSP, est venu présenter le fonctionnement de son organisation et les orientations prises pour contribuer à la refondation de la santé publique, à travers son expertise.

Le Haut Conseil de la Santé publique a ainsi édicté 5 priorités majeures structurantes, organisationnelles et d’action que sont la gouvernance, la sensibilisation et la formation, la recherche, l’organisation territoriale et l’approche internationale.

Voir l'actualité du HCSP.

 

L'urgence de la santé mentale 

En moins de trois mois, la mission ministérielle « Santé jeunes » de 2021 a élaboré 50 mesures selon 10 axes remises au ministre de la Santé et de la Prévention, en mettant l’accent sur les déterminants de santé. Thomas Cantaloup, médecin psychiatre et membre de cette mission commandée par Olivier Véran a rappelé l’importance de développer une culture de la santé mentale, en particulier chez les jeunes.

Thomas Cantaloup, médecin psychiatre et membre de la mission ministérielle « Santé jeunes »

« Pour changer de paradigme et passer d’un mode curatif à un mode préventif, il faut miser sur l’expertise de terrain. »

Covid-19 : Comment relancer l’activité après deux ans de déprogrammations ? 

Les conséquences de la crise sanitaire sur l’hôpital | Cécile Chevance, responsable du pôle O.F.F.R.E.S à la FHF

Comment relancer l'activité après deux années de déprogrammations ? Pour introduire cette table-ronde, Cécile Chevance a dressé un état des lieux en évoquant plusieurs données.

Le premier constat est ainsi celui de l’augmentation des prises en charge Covid dans les hôpitaux entre 2020 avec 81,6% pour l’hôpital public et en 2021 avec 83,9%. Entre 2021 et 2022, l’augmentation s’est ainsi élevée à 84,6%

Dans un second temps, des déprogrammations et divers impacts de la crise sanitaire sur les activités non liées au Covid ont été recensés en chirurgie et en médecine :

Pour la chirurgie

Les actes de chirurgie ont diminué de 12% dans le secteur public entre 2020 et le 1er trimestre 2022. Au total, 11 semaines de carence sont dénombrées en chirurgie.

Pour la médecine

Une diminution de 9% de l'activité dans le public entre 2020 et 1er trimestre 2022. Au total, 10 semaines de carence sont dénombrées en médecine.

Identifier les leviers efficaces | François-René Pruvot, président de la CME du CHU de Lille et ancien président de la Conférence des PCME de CHU

 

Le Pr François-René Pruvot a quant à lui souligné trois éléments majeurs qui sous-tendent la situation actuelle et qui ont notamment suscité l’organisation du Ségur de la Santé :

  • L’arrêt des activités dû à la crise sanitaire ;
  • La lassitude et la fatigue physique ;
  • La vague de fond du désenchantement.

Selon l’ancien président de la Conférence des PCME de CHU, un redémarrage s’opérera mais il est nécessaire de trouver des leviers efficaces. Les outils utilisés doivent être pérennisés, les vocations suscitées à nouveau et les irritants du quotidien atténués.

Pour en savoir plus, écoutez l'entretien de François-René Pruvot pour la FHF, début 2022.

 
Maintenir l’attractivité à l’hôpital | Frédéric Martineau, professeur de médecine et radiologue à l’hôpital de Bayonne

 

Pour que l’hôpital reste attractif, trois piliers sont essentiels selon le Pr Martineau : l’intérêt professionnel, le partage de la pénibilité ainsi que la surrémunération.

Le plan de relance nécessite ainsi de « travailler sur le territoire, d'avoir une vision transversale, de créer des filières et d'être innovant dans les prises en charge, quelles qu'elles soient. »

Vieillir en bonne santé : un défi sociétal majeur 

Autre défi majeur et urgence à laquelle répondre à court et moyen terme : le vieillissement en bonne santé de notre population. Athanasios Benetos a apporté son éclairage en insistant sur le rôle de la prévention et la nouvelle place à donner aux nouvelles technologies dans notre système de santé.

Athanasios Benetos, Professeur au CHRU de Nancy, Université de Lorraine 

« Vieillir en bonne santé constitue un défi sociétal majeur, qui implique de mener des actions de prévention destinées à toute la population, de permettre l’accès aux structures de soins, ainsi qu’aux aides diverses et aux structures d’hébergement et de bonne condition de vie. »

Quelle est la clé du bien vieillir ?

 

Selon le Pr Athanasios Benetos, le système de santé de demain fera largement appel à la Responsabilité populationnelle, démarche innovante qui s’appuie sur ce qui relie l’ensemble des acteurs de santé par-delà leur statut et leur lieu d’exercice. Elle implique une responsabilité partagée à l’égard de la prise en charge de patients et de l’amélioration de la santé de la population. Pour le professeur Benetos, elle devra être en particulier appliquée à la gériatrie en reprenant l'idée de stratifier la population par la construction d'un modèle sous forme de logigrammes pour les personnes de plus de 75 ans.

Pour en savoir plus sur la Responsabilité populationnelle, consultez le bilan de 3 années de la démarche.

 

Quid des nouvelles technologies ?

 

Pour le professeur, les nouvelles technologies offrent des perspectives intéressantes, notamment pour assurer le maintien à domicile dans de bonnes conditions. Il considère cependant qu’elles comportent certains risques, comme l’effet gadget, les problèmes éthiques ou la suppression des aides humaines. Certains principes tels que la collaboration entre techniciens, professionnels de santé, économistes et usagers devront être appliqués. L’utilisation de ces nouvelles technologies permet en outre de déterminer quelles sont les personnes qui ont besoin d’une aide par la comparaison des évaluations cliniques et des évaluations à domicile.

L’urgence de repenser les soins non-programmés 

Les principaux défis à relever pour l’organisation territoriale et des professions de santé 

Agnès Firmin-Le-Bodo, Ministre déléguée en charge de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, a également répondu à l'invitation de la FHF de participer à ses Universités d'été. Pour elle, la réforme territoriale et l’attractivité sont les deux principaux défis à relever. Tous deux s’appuient sur la disponibilité des personnels qualifiés.

Alertant sur l’impact du fléau de la désertification médicale sur l’ensemble du territoire, la ministre a souligné la nécessité d’adopter des réponses différenciées aux inégalités d’accès aux soins qui présentent de multiples visages

Agnès Firmin-Le-Bodo, Ministre déléguée en charge de l’Organisation territoriale et des Professions de santé

« Les solutions se trouveront au contact des personnes de terrain, dans une logique de confiance, de coopération et de subsidiarité. Bâtir ensemble est la méthode du gouvernement. »

En ce qui concerne la crise de l’attractivité, Agnès Firmin-Le-Bodo estime que l’organisation territoriale des soins devra prendre en compte les nouveaux modes d’exercices des jeunes diplômés (CPTS, télémédecine, etc.).

Madame la Ministre a aussi mis en avant la nécessité d’intégrer aux réformes la transition environnementale. Elle a salué à cet effet la création d’un comité de transition écologique en santé au sein de la FHF.

En savoir plus sur la création du comité "Transition écologique en santé" par la FHF.  

 

Comment répondre aux défis des déserts médicaux ? 

« Médecins solidaires » : une initiative pour lutter contre les déserts médicaux | Martial Jardel, médecin généraliste

Afin d’agir concrètement contre les déserts médicaux Martial Jardel a créé un collectif qui propose aux médecins généralistes d’aller exercer pendant une semaine dans un centre de santé sur un territoire où il n’y a plus ou pas assez de médecin, en étant logé par l’association.

« S’il n’est pas envisageable de demander beaucoup de contraintes à peu de médecins, il faut peut-être demander peu de contraintes à beaucoup de médecins », Dr Martial Jardel.

En savoir plus sur le collectif Médecins solidaires

 

Les leviers de l’Assurance maladie pour regagner le temps médical | Thomas Fatôme, directeur de la Caisse nationale d’Assurance Maladie

Pour le directeur de la CNAM, Thomas Fatôme, la priorité est à présent de regagner le temps médical manquant en libérant notamment les médecins de contraintes administratives. En quelques années, des dynamiques devant permettre de répondre aux défis des déserts médicaux ont déjà été initiées.

Le cas des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS)

 

Le directeur de l’Assurance maladie est revenu sur le cas des CPTS qui se sont déployées en l’espace de cinq ans. Pour Thomas Fatôme, elles se rapportent à des réalités locales très différentes et à différents degrés de maturité, mais 290 d’entre elles ont aujourd’hui signé un partenariat avec l’Assurance Maladie.

Le directeur de la Cnam rapporte que des conditions ont ainsi été créées pour entretenir des relais entre maisons de santé pluridisciplinaires et CPTS. Ceci permet ainsi d’aider les médecins à mener des projets sur le territoire.

Rapport de la mission Flash : quelles perspectives ? 

Dynamiser le déploiement des services d’accès aux soins (SAS) | Cécile Lambert, Directrice de l’Offre de soins

L’IGAS a été missionnée pour rendre des conclusions très rapides relativement à l’efficacité de la mission Flash, rapporte la directrice de l’Offre de soins.

Pour Cécile Lambert, du point de vue de l’organisation des soins, la régulation de l’activité des urgences a été difficile. Durant l’été, l’activité a été maîtrisée, mais elle juge nécessaire de rendre durable cette réactivité et de dynamiser le déploiement des SAS.

 

Une nécessité de repenser l’équité | Pr Karim Tazarourte, président de la SMFU et membre de la mission flash

Pour le Pr Tazarourte, la mission Flash a été l’occasion de constater le caractère national de la difficulté de l’accessibilité aux soins. Au-delà des outils, ce dernier estime nécessaire de revenir aux fondamentaux et notamment au rôle originel de chacun afin de repenser la notion de subsidiarité.

Selon Mr Tazarourte, l'une des réponses pour pallier au manque de médecins peut-être de travailler différemment en rationalisant l’organisation du parcours de soin.

 

Une crise estivale surmontée en Normandie | Thomas Deroche, directeur de l’ARS Normandie et membre de la mission flash

Le directeur de l’ARS Normandie apporte son témoignage sur l’implantation d’espaces de discussions entre les différents acteurs au sein des régions, qu'il décrit comme un succès. La méthode territoriale avait ainsi vocation à permettre de retrouver un élan collectif après la crise sanitaire. Deux mois plus tard, les discussions se poursuivent.

Thomas Deroche, directeur de l’ARS Normandie

« En Normandie, la crise estivale a été surmontée grâce à la résilience des équipes qui se sont senties soutenues. Sur le premier semestre de l’année 2022, les admissions aux urgences étaient en hausse de 15 %. Ce chiffre a été ramené à 1 % seulement au mois d’août. Des territoires ont évolué et un changement semble amorcé. La difficulté est d’orienter les personnes vers les cabinets de ville, éventuellement par le biais de l’intérim. »

Le lien soignant-soigné | Alexis Vervialle, conseiller à France Assos Santé

 

Alexis Vervialle a rappelé l'ampleur des déprogrammations durant l’été et présenté l’enquête réalisée par France Assos Santé qui témoigne d’une conscience des usagers sur l’état de l’hôpital et d’une inquiétude quant au retard de diagnostic. Il a aussi pointé le fait que ce retard concerne également le secteur de la psychiatrie et que des associations d'handicap se manifestent à ce sujet.

Selon le conseiller de France Assos Santé, les patients ressentent fortement une certaine dégradation du lien soignant-soigné. En définitive, le temps des politiques publiques ne recoupe que très rarement celui des usagers. Il estime que les CPTS, par exemple, coordonnent les soins et font évoluer les pratiques, mais ne permettent pas de soigner.

 

Du côté du numérique en santé

La FHF remercie le Pr Antoine Tesnière, directeur de PariSanté Campus d'avoir ouvert les portes de ce lieu d’échange porté sur la santé, l’innovation et le numérique. Le choix de ce lieu illustre la volonté de la FHF d’accompagner les établissements sanitaires et médico-sociaux publics dans une démarche d'innovation au travers du numérique en santé.

Le Pr Antoine Tesnière, directeur de PariSanté Campus 

« Les métiers de la santé bénéficieront des axes de recherche sur l'IA et l'exploitation des données. L’objectif sera de former les soignants et les hospitaliers à la gestion de la donnée afin de répondre aux besoins de tous les acteurs en matière de recrutement notamment. »

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