Hippocrate affirmait déjà il y a 2 500 ans : « mieux vaut prévenir que guérir ». Face aux défis de notre temps, que sont notamment le vieillissement de la population, la chronicisation des pathologies et l’incidence croissante de maladies liées à nos habitudes de vie (près de 40% des cancers pourraient être évités par des changements de comportements et des habitudes de chacun[1]), la prévention doit, plus que jamais, être la clé de voute de nos politiques de santé. Les établissements publics de santé et médico-sociaux ont ici un rôle majeur à jouer. Il s’agit-là d’un postulat essentiel, placé au cœur de la première édition de l’évènement « Prévenir + Guérir », organisé par la Fédération hospitalière de France, en partenariat avec Relyens, le 3 décembre 2024.
Prévenir + Guérir - Best of de l'événement du 3 décembre 2024
Passer du discours aux actes
« C’est un appel fort que nous lançons aujourd’hui pour faire connaître, reconnaître et soutenir le rôle et la place des établissements publics dans la prévention, aux côtés et en complémentarité des autres acteurs de la santé. Médecine de ville, usagers, collectivités territoriales, sont aussi des contributeurs essentiels à la prévention, avec lesquels nous entendons renforcer notre collaboration, déjà amorcée localement dans bon nombre de territoires » affirme Zaynab Riet, Déléguée générale de la FHF en ouverture de cette journée inédite.
« La prévention est bien plus qu’une simple thématique à la mode. C’est un outil essentiel pour garantir la pérennité de notre système de santé à travers sa résilience, de répondre aux attentes de nos concitoyens, et de répondre aux enjeux démographiques et augmentation des maladies chroniques » complète Olivier Bossard, Directeur général du CHU de Saint-Etienne, Président de Relyens. « Il est temps de dépasser les mots pour rentrer dans l’action » projette-t-il.
Ouverture de la journée par Zaynab RIET, déléguée générale de la FHF
Ouverture par Olivier BOSSARD, directeur général du CHU de St Etienne, Président de Relyens
Ancrer la prévention, et notamment la prévention primaire, dans les pratiques
Première étape, définir le concept de prévention[2]. Au fil de sa présentation, le Pr Didier Lepelletier, Président du Haut Conseil de la Santé Publique, insiste sur la place centrale des établissements de santé et l’importance de la soutenabilité financière du système. « Il faut basculer d’une organisation des soins standardisée à une organisation des soins personnalisée, basée sur la prévention. La démarche MECC (Make every contact count) pratiquée en routine au Royaume-Uni devrait contribuer à mieux ancrer la prévention primaire dans les pratiques. Les établissements de santé constituent un maillon essentiel, aux côtés d’autres acteurs, pour impulser des comportements plus favorables à la santé » affirme-t-il.
Bâtir la santé de demain en prenant le virage préventif
Des freins bien réels
Alors, quelle est la place des établissements publics en matière de prévention ? C’est la question posée par le comité FHF Prévention, présidé par le Pr François Chollet, Neurologue, lors d’une enquête menée cet automne auprès de 245 établissements de santé et médico-sociaux. « Si la quasi-totalité des établissements estime avoir un rôle indispensable en termes de prévention, la structuration d’une politique institutionnelle demeure partielle, le frein le plus important étant le financement » dévoile le professeur.
Présentation de FHF Prévention et de l'enquête auprès des établissements publics
Des établissements publics engagés dans leurs territoires en faveur de la prévention
Faire confiance aux acteurs de terrain pour une médecine plus humaine, durable et holistique, et mener des actions de prévention pertinentes et efficaces. Cette notion fondamentale ressort de chaque témoignage et retour d’expérience d’établissements publics et médico-sociaux présentés. « Un hôpital public est d’abord une entreprise citoyenne » affirme Cécile Jaglin-Grimonprez, Directrice générale du CHU Angers. « En Ehpad, toute l’organisation est propice au dépistage des fragilités, pour que la vieillesse reste une chance » complète Séverine Laboue, Directrice du Groupe Hospitalier Loos Haubourdin. « Nous devrions travailler davantage avec des enjeux d’indicateur d’espérance de vie en bonne santé plutôt qu’avec indicateurs du nombre de séjours » avance Bastien Ripert, Directeur général du Groupe Hospitalier Sophia Antipolis, à Antibes. « Les établissements font face à un paradoxe dans lequel il leur est demandé un plus grand investissement dans la prévention, alors qu’ils sont évalués sur le curatif. Nous avons une responsabilité éthique et économique » détaille le Dr Edouard Devaud, Chef du Service de Pathologies Infectieuses et Tropicales à l’hôpital René Dubos de Pontoise, Président de la CMU du Groupe Hospitalier Nord-Ouest Vexin Val d’Oise. « Les étudiants doivent être sensibilisés le plus tôt possible à ces notions de prévention » atteste le Pr Marie-Thérèse Leccia, Présidente de la CME au CHU Grenoble, Vice-Présidente de la Conférence des PCME de CHU.
Les établissements publics de santé et médico-sociaux, quel rôle en matière de prévention
« Nous devons adapter notre système de santé pour pouvoir garder notre population en meilleure santé possible. C’est l’objectif de la démarche de responsabilité populationnelle[3], modèle conçu d’emblée pour être généralisable » décrit Antoine Malone, responsable du pôle Prospective, Europe, International, FHF. « Il y a des milliers de gens sur le territoire qui ont un diabète ou une insuffisance cardiaque sans le savoir. Ce concept fait des miracles, le nombre d’hospitalisation non programmés diminue dans les territoires pilotes » surenchérit Frédéric Chéreau, Maire de la ville de Douai, et président de la FHF Hauts-de-France. « L’objectif pour nous, professionnels de santé de ville, c’était cette structuration territoire-dépendant. Collectivement nous allons gagner ces défis » déclare David Guillet, Président de la Fédération des CPTS. Au cœur du système, « le patient est acteurs de sa santé. Il nous challenge sur l’hôpital, les structures, les projets » rappelle Zaynab Riet, Déléguée générale de la FHF. « Le patient doit être mis au centre des préoccupations, de l’écoute, de la bienveillance des professionnels de santé. C’est une personne, pas une maladie, pas un numéro. Il doit comprendre sa maladie, vivre et non pas survivre » témoigne David Guillet, Président de la Fédération des CPTS.
Les établissements et les acteurs de la santé dans les territoires engagés autour de la prévention
Vers une approche systémique
L’Igas (Inspection générale des affaires sociales) s’est récemment emparée du sujet en proposant un cadre pour le financement des actions de prévention primaire en établissement de santé,[4]. « L’idée est de sortir des appels à projets pour mettre en place un financement systémique. Nous proposons une démarche intégrée, pragmatique, qui ne peut se faire qu’avec l’adhésion des soignants, pour une approche globale du patient, en s’inspirant de la démarche MECC, basée sur les quatre déterminants majeurs que sont le tabac, l’alcool, l’alimentation et l’activité physique. Nous appelons cela un « aller vers », à l’envers » expose Anne-Carole Bensadon, Inspectrice générale des affaires sociales.
Présentation du rapport de l’IGAS sur le financement des actions de prévention primaire
Une vision pluriannuelle
« Le compartiment qui va porter principalement la prévention c’est le financement sur objectifs de santé publique » avise Thomas Coone, Adjoint à la sous-directrice du financement et de la performance à la DGOS. « Nous arrivons actuellement à un point de bifurcation dont nous espérons tous qu’il soit favorable » note Marc Bourquin, Conseiller médico-social de la FHF. « Pour une modification structurelle de nos modes de financement, nous avons besoin d’une vision pluriannuelle » projette Anne Ferrer, Directrice générale du CHU de Montpellier. « Les acteurs ont besoin de prévisibilité pour aller encore plus loin, et capitaliser sur les initiatives en régions » ajoute Christelle Ratignier-Carbonneil, Directrice générale de l’ARS Grand Est.
Le financement de la prévention dans les établissements publics de santé etmédico-sociaux
Mais comment embarquer toute la communauté hospitalière et l’ensemble des acteurs de la santé locaux dans ces projets ?
« Il faut établir un diagnostic territorial partagé » préconise Pauline Galloux, Cheffe de projet à Santé esCALE Loir-et-Cher. « Miser sur la patience et le temps » complète Céline Schnebelen, Directrice en charge de la prévention, de la santé publique, des relations ville/hôpital et référente du pôle FME au CHU d’Angers, et sur « une volonté commune de proposer une réponse de proximité » ajoute Pierre Gouabault, directeur des EHPAD de Bracieux, Contres et Court Cheverny, Administrateur du GCSMS Sepia 41 (Groupement des EHPAD publics du Loir et Cher). Et enfin, « sensibiliser nos jeunes professionnels à la prévention, dans un contexte contraint, notamment en temps » précise le Dr Christophe Schmitt, Psychiatre et Président de la CME du CH de Jury-les Metz, Président de la Conférence Nationale des Présidents de CME de CHS. Le tout avec « une direction de santé publique forte et un accompagnement des acteurs » affirme Nicolas Bonnet, Pharmacien santé publique, Directeur du Réseau de prévention des addictions (RESPADD).
Structurer une démarche dans les établissements qui embarque toute la communauté hospitalière
Protéger ceux qui soignent, prévenir l’usure professionnelle
La prévention repose sur l’engagement des professionnels de santé et médicaux-sociaux, dans un contexte où le niveau de contraintes physiques, psychiques, et organisationnelle est très élevé, comme le montre l’enquête réalisée par Relyens et présentée par Aurélien Seunes, consultant en management des risques RH. « L’usure professionnelle est un processus progressif d’altération de la mentale physique ou psychique associée à l’exercice professionnel » définit Rodolphe Soulié, responsable du pôle ressources humaines à la FHF. Alors comment prévenir cette usure ? La dimension managériale pour « un encadrement soignant construit par le directeur de soin » est essentielle indique Barbara Robert, directrice des soins au CHU de Bordeaux. « Il faut donner aux soignants un contrôle sur leur trajectoire de soin et professionnelle, avec une orientation personnalisée » préconise le Dr Clément Duret, médecin du travail au Centre régional des pathologies professionnelles, Garches APHP, avant d’insister sur « la détection précoce des signaux faibles d’épuisement professionnel ».
Protéger ceux qui nous soignent
Nous n’avons plus le choix
« Et maintenant, on fait quoi ? On agit, conclut Grégory Emery, Directeur général de la santé. Faire le choix de la prévention n’est plus en un choix parmi d’autre mais est LA SOLUTION pour faire face aux enjeux sanitaires de demain. Il nous faut bâtir une culture de la prévention, avec une prise de conscience collective et une collaboration à tous les niveaux. Nous n’avons plus vraiment le choix, il faut y aller ».
Clôture de la journée: Et maintenant on fait quoi ? par Grégory EMERY, Directeur général de la santé
Les enjeux de la prévention aux portes de nos frontières
Prenons maintenant un peu de recul pour élargir notre perspective sur les enjeux de prévention. Nous vous proposons de franchir les frontières pour vous emmener à Madrid, au cœur de la Fondation Jiménez Díaz.
Relyens y collabore étroitement avec le service d’orthopédie pour accompagner les professionnels de santé dans la prévention des risques liées aux pratiques chirurgicales et à la prise en charge des patients.
Une belle illustration de ce que l’expertise partagée peut apporter au quotidien des soignants et de leurs patients.
Présentation du film-reportage Relyens à Madrid
Décryptage du reportage à Madrid par Dominique GODET, directeur général de Relyens
[1] Institut national de lutte contre le cancer (INCA), Stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030.
[2] L’OMS a défini en 1948 la prévention comme un « Ensemble des mesures visant à éviter ou réduire le nombre et la gravité des maladies, des accidents et des handicaps »
[3] https://www.fhf.fr/la-fhf-en-action-responsabilite-populationnelle-tous-acteurs-de-notre-sante
[4] Rapport Igas 2023-084R, « Le financement de la prévention primaire dans les établissements de santé, octobre 2024.