Discours d’Arnaud Robinet, Président de la FHF
- Sous réserve du prononcé -
Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités, Madame la déléguée générale, Chère Zaynab, Chers Amis,
Je suis très heureux de vous accueillir pour ces Universités d’été de la FHF. Vous le savez, ce rendez-vous annuel est un moment important pour nous retrouver avant chaque rentrée, pour prendre du recul, réfléchir aux évènements et à notre action commune. Et le moins que l’on puisse dire est que la période actuelle ne manque pas de matière à penser.
Je vous remercie donc de votre présence nombreuse, ici à la Cité internationale universitaire de Paris ou à distance, et je salue en particulier les parlementaires qui nous font l’amitié de nous suivre.
Cet été encore, comme chaque été, a montré toute la force du service public en santé. Je remercie les professionnels qui exercent en CHU, en CH, dans les structures médicosociales et qui continuent d’assurer la continuité des prises en charge de toute la population.
En Ile-de-France et au-delà, cette mobilisation a contribué à la magnifique réussite des Jeux Olympiques et contribue à celle des Jeux Paralympiques, et nous pouvons en être fiers. Et tout cela malgré les difficultés fortes qui persistent et que chacun connaît.
Bref, cet été a une nouvelle fois montré le rôle central et irremplaçable du service public en santé, et la nécessité d’agir pour le renforcer face à des difficultés très importantes. Je pense tout particulièrement au sous-financement chronique des activités des CHU, CH ou structures médicosociales, sur lequel je reviendrai.
Face à cette situation, la FHF n’a de cesse d’expliquer l’urgence de projeter notre système de santé dans l’avenir et d’appeler à une action résolue, autour d’une stratégie claire inscrite dans le temps. C’est que nous avons fait, hier encore, lors d’une conférence de presse, en partageant des chiffres très précis sur la situation à l’hôpital ou dans les Ehpad, et en rappelant les propositions de la communauté hospitalo-universitaire et hospitalière.
Malgré de nombreuses reprises dans les médias, nous faisons collectivement le constat des difficultés à être entendus ou même, parfois, compris par l’opinion. Il faut dire que l’actualité est riche et les problèmes du monde nombreux, du retour de la guerre en Europe au réchauffement climatique. Mais, au-delà, nous voyons bien que le débat public a évolué en profondeur ces dernières années et qu’il est plus difficile de s’y faire entendre.
Il n’aura échappé à personne que le rapport aux faits et aux analyses étayées s’est dégradé dernièrement. Notre rapport à l’information change, en particulier au travers des réseaux sociaux. Une forme d’impressionnisme dans le rapport au réel s’est répandue, et beaucoup de nos concitoyens ne savent plus qui croire. Des rumeurs parfois fausses fleurissent et perdurent. Nous en voyons chaque jour des témoignages éclatants, depuis nos points d’observation respectifs.
Ce rapport aux faits est pourtant le carburant de notre démocratie : comment délibérer, et construire collectivement des solutions utiles et raisonnées à nos maux, si l’on ne peut se reposer sur des informations fiables et robustes ?
Cela est tout particulièrement vrai dans le domaine de la santé, avec les débats récurrents au sujet du recours à la vaccination ou à certains produits de santé, qui de fil en aiguille provoquent parfois des réactions agressives inacceptables.
Cela est également vrai pour certaines idées reçues qui persistent, comme à propos de la part du personnel administratif à l’hôpital public, qui serait selon certains un « mammouth » bureaucratique quand la réalité indique tout le contraire.
C’est pourquoi nous avons choisi de dédier ces Universités d’été au thème : « Santé et Vérités ». Un thème qui nous semblait d’autant plus approprié que nous traversons, en quelque sorte, un quart d’heure de vérité pour notre système de santé. Aussi, derrière cette thématique qui porte sur la qualité du débat public, notre souhait est bien de parler de notre capacité à agir.
La situation est telle que, sur les problèmes structurants, il n’est plus possible de donner le change : la prévention, le juste financement de l’hôpital, la loi Grand Âge, ou encore l’évolution de l’offre de soins sur chaque territoire sont autant de sujets – pour ne citer qu’eux - qui nécessitent des décisions fortes.
Pour décliner ce thème passionnant, des intervenants de grande qualité de succèderont tout au long de la journée. Je veux ici les saluer et les remercier de partager avec nous leurs expériences, avec pour débuter une intervention du Professeur Didier SAMUEL, qui nous parlera de la façon dont l’INSERM s’adresse au public afin de le sensibiliser sur les questions de santé. Le Pr Mathieu MOLIMARD nous apportera ensuite le témoignage de son action face à la désinformation. Nous aurons ensuite l’honneur d’écouter Gloria ORIGGI, qui reviendra sur les différentes dimensions de la notion de Vérité, et terminerons la matinée par une table ronde au cours de laquelle Marie DAUDÉ, Fabrice LENGLART et Denis RAYNAUD évoqueront les rôles respectifs de la DGOS, de la DREES et de l’IRDES pour éclairer le débat public et quelques enjeux du moment.
Enfin, l’après-midi sera dédiée à ce quart d’heure de vérité dont je parlais : Cécile JAGLIN-GRIMONPREZ, Claire PEIGNÉ, Gérard RAYMOND, Denis ROBIN et le Dr Jean-Marie WOEHL débattront sur la réorganisation des soins à l’épreuve des faits à l’échelon local.
Avant de laisser la parole à nos intervenants, je voudrais partager avec vous quelques-uns des messages que nous avons eu l’occasion d’évoquer hier, à l’occasion de notre conférence de presse de rentrée, et que nous adressons au futur gouvernement. Le premier message que nous partageons est que, malgré le contexte difficile et incertain, l’heure doit être à l’action et au soutien du service public.
A l’action, parce que l’accès soins connaît toujours des difficultés majeures. La situation estivale l’a encore montré, malgré la mobilisation remarquable des équipes. Il ressort de l’enquête flash que nous avons conduite ces derniers jours auprès des CHU et CH que la majorité des établissements rencontrent les mêmes difficultés que l’été dernier ou qu’elles s’aggravent, autour en particulier de la question des lits d’aval. Plus largement, si nous devons nous féliciter que l’activité progresse à l’hôpital public, un sous-recours aux soins persiste dans de nombreuses disciplines prioritaires, de la chirurgie de recours à certaines activités de médecine. Je pense aussi, bien sûr, à la situation de la psychiatrie. Il faut remettre à l’ordre du jour les réformes nécessaires, et commencer par publier les nombreux décrets d’application pourtant urgents qui ont été suspendus.
Dans ce contexte, notre conviction est qu’il est incontournable d’apporter un soutien spécifique au service public, aux CHU, aux CH, comme aux structures médicosociales. Les faits sont clairs, documentés : parmi les établissements, ceux qui sont le plus en difficulté sur le plan budgétaire sont ceux qui assument le service public. Les difficultés n’ont jamais été aussi profondes et aussi répandues. Le déficit des hôpitaux publics a été multiplié par quatre par rapport à la situation d'avant crise Covid, avec un déficit qui dépassera les 2 milliards d’euros en 2024, dont 1,3 milliard d’euros liés uniquement au sous-financement des coûts supplémentaires liés à l’inflation.
La situation est tout aussi difficile pour le secteur de l’Autonomie. 85 % des EHPAD publics sont en déficit en 2023, avec déficit cumulé entre 2022 et 2023 estimé à 1,3 Milliard d’euros.
Par ce qu’elle conduira à réduire l’investissement et qu’elle affectera la capacité à recruter, cette situation nous conduit dans l’impasse. Elle ne peut donc perdurer, ni être mise sous le tapis. Nous avons bien conscience de l’état dégradé de nos finances publiques mais nous ne demandons ni plus ni plus moins que de financer les établissements publics à hauteur de leurs coûts.
Est-il utile de rappeler que tous les enjeux du moment passent par l’hôpital public ? l’excellence, la nécessité de renforcer formation des futurs professionnels, la recherche, mais aussi l’accès aux soins de toute la population, sans exclusion, sont autant de priorités. Ce soutien est d’autant plus nécessaire que nous voyons des signes positifs sur lesquels il faut capitaliser maintenant, pour nourrir une dynamique de progrès. C’est notre deuxième message. L’activité progresse, je le disais, et nous pouvons nous en réjouir. Elle dépasse le niveau d’avant pandémie. Dans la continuité du Ségur, les établissements publics mènent une action résolue et rivalisent d’ingéniosité pour améliorer l’attractivité des métiers et fidéliser les professionnels.
Et nous en voyons les premiers fruits : 48% des CHU ayant répondu à notre enquête RH dévoilée hier indiquent avoir recruté davantage de de soignants jeunes diplômés en 2023 qu’en 2022. Le niveau d’absentéisme poursuit sa baisse, avec un niveau de 9,5% en 2023 tous établissements confondus contre 11,1% en 2022 . Nous devons continuer, parce qu’il n’y a pas d’autre solution ni d’autres chemins pour rouvrir des lits, et soulager les professionnels avec les renforts nécessaires.
Notre troisième message est que l’on ne peut pas continuer à gérer le système de santé à courte vue, qu’il faut une prise de conscience générale qui se traduise en actes, au Parlement comme dans la politique du futur gouvernement. Nous avons besoin d’une vision de moyen terme claire, d’une planification au service d’une action de très court terme. Gérer dans l’urgence est devenu la norme. On le voit malheureusement encore avec le PLFSS cette année.
Et c’est pourquoi il doit être tenu compte de ce contexte : oui, il faut faire la loi de programmation pour le Grand Âge, parce que nous n’avons pas le temps d’attendre. Oui, il faut renouveler sans tarder le protocole de pluriannualité des ressources des hôpitaux. Oui, enfin, il nous faut une vraie stratégie pluriannuelle de soutien à l’investissement et à la recherche à l’hôpital public. Voilà les quelques mots que je souhaitais partager avec vous aujourd’hui. Le rôle de la FHF n’est ni de jouer les cassandres, ni de se payer de mots. Notre rôle est de dire inlassablement ce que les hospitaliers voient, de rappeler les faits, de faire entendre notre part de vérité pour bâtir l’avenir de notre système de santé. Et nous continuerons, sans relâche.
Je vous remercie et vous souhaite de très bonnes universités d’été.