Une situation sanitaire catastrophique qui appelle une réponse proportionnée
Samedi 24 octobre, la France passait le seuil symbolique des 50 000 nouvelles contaminations recensées par Santé publique France. En prenant en compte les cas non-détectés, le Conseil scientifique estime la réalité à 100 000 nouvelles contaminations par jour. Avec un délai de doublement des contaminations qui se raccourcit, passant de 15 à 10 jours, nous faisons face à une accélération de la diffusion du virus qui met en alerte tout le système de santé. Ce virus, qui au printemps avait commencé à se développer de façon localisée, concerne aujourd’hui l’ensemble des régions françaises. On recense ainsi 3 types de situations :
- Des régions très fortement impactées : l’Ile-de-France et l’AURA sont aujourd’hui saturées et des capacités supplémentaires ont dû être activées dans le cadre de plans blancs avec des transferts interrégionaux.
- Des régions fortement impactées : les Hauts-de-France, l’Occitanie, la région PACA, le sud de la Bourgogne-Franche Comté voient leurs capacités hospitalières sur le point d’être saturées (on y dénombre 30 à 50% de malades COVID en réanimation). Les plans blancs y sont en cours d’activation et 30% des opérations sont en train d’être déprogrammées.
- Des régions pour le moment moins impactées que sont le Grand Est, la Nouvelle Aquitaine, le Centre-Val de Loire, les Pays de la Loire, la Normandie et la Bretagne.
Les données en termes de contamination, d’hospitalisation et d’admission en réanimation sont pires encore que les projections faites par l’Institut Pasteur et Santé publique France, que certains qualifiaient « de pessimistes ». Dans le même temps, les hôpitaux publics n’ont pas plus de personnel qu’au printemps et ce personnel est déjà extrêmement éprouvé. Les établissements rencontrent d’importantes difficultés à armer des capacités supplémentaires.
D’ores et déjà, au niveau national près de 20 000 patients sont hospitalisés pour COVID et la moitié des lits de réanimation est occupée par des patients COVID. Au regard de l’explosion du nombre de contaminations ces derniers jours, la situation dans les hôpitaux est appelée à se dégradement très fortement et rapidement.
Le pays est au bord d’une véritable « submersion du système de santé ». Une surmortalité très importante, notamment chez les publics les plus vulnérables, s’annonce dans les prochaines semaines.
Dès lors, pour venir en aide aux professionnels de santé et médico-sociaux, la seule solution dont on sait qu’elle fonctionne est le reconfinement. Ce reconfinement doit être total, c’est-à-dire sur tout le territoire et sauf exceptions à toute heure. Il n’est plus temps de tester des demi-mesures à l’efficacité incertaine.
Pour protéger les personnes âgées résidant en EHPAD mais éviter un isolement total qui aurait des conséquences néfastes avec notamment les risques de syndrôme du glissement, nous préconisons de généraliser des visites programmées et de prévoir partout où cela est possible des unités COVID.
Le COVID concerne tout le monde : les malades du COVID mais aussi les autres malades qui ne peuvent plus être accueillis parce que les capacités sont dépassées. Quand l’hôpital est saturé, tout le monde est exposé.
Prioriser l’accès aux soins pour protéger les plus vulnérables : une question éthique à traiter de toute urgence.
La tension sur les hôpitaux est telle que des déprogrammations sont nécessaires pour libérer du personnel et des lits permettant d’accueillir les patients COVID.
Ces déprogrammations massives et ces ruptures de soins peuvent entrainer des séquelles et amoindrir les chances de guérison des patients.
La question qui se pose à très court terme est la question éthique de la priorisation – non plus seulement à la réanimation – mais bien à l’accès au soin et au système de santé dans son ensemble.
Quelle priorisation entre patients COVID et non COVID ? Comment protéger les personnes les plus vulnérables ? Quels critères mettre en œuvre pour échapper à la décision arbitraire ?
Un avis éthique du CCNE est attendu dans les prochains jours. Il sera nécessaire de décliner concrètement ces réflexions dans chaque discipline, en particulier en médecine.
Un « reconfinement de construction » pour éviter une 3ème vague fatale
Dès le 28 avril, la FHF avait proposé des prérequis indispensables à un bon déconfinement. Les commissions d’enquêtes de l’Assemblée nationale et du Sénat, auxquelles la fédération a contribué, permettent aussi de tirer les leçons de la 1ère vague de COVID.
- Il est urgent d’adapter la politique de tests, en priorisant mieux et en revoyant le contact tracing. Revenir à une obligation de prescription médicale est une piste à étudier. Mieux partager les données épidémiologiques avec les acteurs de terrain est aussi indispensable.
- Au niveau de la gouvernance et du pilotage, les missions de chacun doivent être précisées pour une meilleure lisibilité de la décision et une plus grande efficacité face à un contexte d’urgence. Le format « cellule de crise », qui avait bien fonctionné lors du 1er épisode est à généraliser : il est urgent de décloisonner – entre ville et hôpital, public et privé – et de sortir du fonctionnement en silo de notre système de santé.
- Recruter massivement des personnels soignants dans le médico social est enfin une urgence et une nécessité dans le secteur public. Sur les questions de la formation et de l’attractivité à l’hôpital, comme dans les établissements médico-sociaux, il est temps de passer à la vitesse supérieure et de développer des solutions exceptionnelles d’urgence comme des formations accélérées et l’amélioration des conditions de travail des professionnels.
- Des initiatives locales sont à essaimer comme la mise en place de dispositif de soutien aux soignants, médecins généralistes, directeurs d’EHPAD,… qui se retrouvent « seuls » face à des problèmes inédits liés à la crise de la COVID.
La FHF, les 4800 hôpitaux et établissements médico-sociaux publics qu’elle représente et les professionnels de ces établissements attendent une réponse proportionnée de la part du gouvernement aux difficultés qu’ils rencontrent aujourd’hui et qui ne feront que s’aggraver au regard des projections épidémiologiques. Faute de mieux, le réponse attendue est la mise en œuvre d’un reconfinement national.
« L’expérience du printemps nous a appris que le confinement est efficace. Il faut agir tout de suite pour sauver des vies et notre système de santé. L’enjeu est aussi d’éviter une 3ème vague après un déconfinement que l’on peut espérer en décembre, malgré les températures hivernales et les fêtes de fin d’année. Cette 3e vague serait mortelle en termes de santé publique et pour l’économie de notre pays. Ce reconfinement doit être non pas un reconfinement de sidération, mais bien un reconfinement de construction. Il faut donc voir ce qui n’a pas fonctionné, ajuster nos mesures de déconfinement et adapter notre système de santé. » a déclaré Frédéric Valletoux, Président de la FHF.
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