À l’occasion de sa première intervention en tant que président de la FHF, Arnaud Robinet a détaillé les attentes de la Fédération pour les mois à venir, en insistant sur le moment charnière dans lequel se trouve le système de santé.
En premier lieu, Arnaud Robinet a tenu à lancer l’alerte sur la situation en matière de santé publique :
-Depuis mars 2020, 3 millions de séjours d’hospitalisation n’ont pas pu être réalisés en 2020 et 2021. Ce chiffre correspond à 11 semaines de retard cumulé d’activité en chirurgie et 10 semaines de retard d’activité en médecine depuis le début de la crise COVID.
-La fracture territoriale en matière d’accès aux soins se creuse : 11% des Français n’ont pas de médecin traitant et une fracture territoriale se confirme en matière d’accès à un médecin spécialiste, avec des écarts de 1 à 6 pour 100 000 habitants en fonction des territoires.
-Les établissements sont toujours en grande difficulté en matière de personnel, avec 6% des postes d’infirmiers et 30% des postes de praticiens hospitaliers vacants.
Dans ce contexte, on ne peut pas envisager de revenir aux méthodes qui prévalaient avant la crise COVID. Ainsi, la FHF appelle à profondément réinventer le système de santé, et rappelle que les établissements attendent en urgence des mesures de sécurisation financière pour rester à flot.
Des mesures d’urgence attendues à très court terme pour sécuriser les financements
Si la FHF salue l’objectif affiché du gouvernement de ne pas faire d’économies sur l’hôpital, elle tient à exprimer ses inquiétudes sur la rédaction actuelle du PLFSS. À ce stade, les crédits ajoutés à l’ONDAM 2022 ne compensent pas intégralement l’inflation et aucun financement ne semble prévu pour couvrir les nécessaires mesures de revalorisation (heures supplémentaires, gardes, etc.) décidées cet été ou intervenue pendant les vagues COVID. En un mot, alors que l’ONDAM hospitalier progresse à un niveau historique, il y a paradoxalement un risque clair de dégradation des budgets des établissements de santé et médico-sociaux publics.
Dans ce contexte, la Fédération demande que le Gouvernement prenne les mesures d’urgence suivantes :
-Réaliser une évaluation claire des effets de l’inflation dans le secteur public en 2022 et en 2023.
-Maintenir les mesures de revalorisation issues de la mission Braun et garantir leur financement.
-Mettre en place un dispositif transitoire de sortie de la garantie de financement et ouvrir les négociations avec les fédérations d’établissements sur un protocole de pluri-annualité des financements.
La FHF alerte aussi sur le relèvement de l’ONDAM médico-social 2022 qui ne prend pas en compte l’intégralité des besoins de compensation de l’inflation. Quant à l’ONDAM médico-social 2023, la FHF tient à saluer l’effort fourni tout en soulignant qu’il reste insuffisant. Pour rappel, la FHF défendait un budget d’1,3 milliards d’euros pour le seul volet Grand Âge. En outre, et alors que la Première ministre s’est engagée sur la création de 50 000 emplois pendant le quinquennat dans le médico-social, la FHF souligne qu’à ce stade, le PLFSS ne prévoit que 3 000 créations de postes en 2023 et qu’aucun calendrier ou plan de financement n’a été précisé pour les postes restants à créer.
Enfin, la FHF regrette l’absence d’extension du CTI aux personnels administratifs et techniques exclus du dispositif qu’elle réclamait. Au-delà de l’inégalité persistante qui en résulterait, le refus d’extension de cette mesure, qui concernerait 3 000 agents et coûterait 10 millions d’euros, risque d’entamer la qualité de l’accompagnement des usagers ainsi que le fonctionnement pérenne des établissements.
Des attentes fortes pour le CNR Santé et trois priorités : RH, territoires et efficacité
La FHF appelle à ce que le CNR Santé débouche sur des décisions fortes, inédites, rapides et sur un calendrier clair de mise en oeuvre clair.
Dans le cadre des discussions à venir, la Fédération défendra trois priorités :
-Les ressources humaines – Il est nécessaire d’évaluer et d’adapter les capacités de formation aux besoins de santé, revoir la place et le rôle des différentes professions, mieux partager la pénibilité sur les gardes et astreintes et adapter les rémunérations en conséquence. Un meilleur partage de la permanence des soins doit également être mis en oeuvre, d’autant qu’il permettrait de mettre en application, de façon sécurisée pour la population, les dispositions de la loi Rist sur l’intérim médical.
-Les territoires - Loin de tout hospitalo-centrisme, l’hôpital doit être protégé, à sa juste place au sein d’une organisation territoriale reposant sur la solidarité et la responsabilité de tous les acteurs. Des contrats de prévention associant l’ensemble des acteurs (collectivités, libéraux, hospitaliers, usagers), définissant leur rôle dans le maillage du territoire, et traduits en projets territoriaux de santé doivent être envisagées.
-L’efficacité - En ville, en établissement, nous devons adapter les organisations et modes de financements pour mieux utiliser l’argent public. Nous avons d’autant plus besoin de ces marges qu’il faudra financer la prévention, l’investissement sans faire d’économies sur l’hôpital. Cela implique de revoir les échelles tarifaires des activités et des actes, qui n’ont pas fait l’objet de révision depuis la création des nomenclatures en 2005. Mais aussi d’améliorer les parcours de soins, source de bien-être et de gains potentiels.
Un CNR Autonomie bienvenu qui n’efface pas la nécessité d’une loi de programmation
Concernant le CNR Autonomie qui a été lancé ces derniers jours, la FHF salue l’inscription du « Bien vieillir » parmi les thématiques de travail du CNR et rappelle ses priorités :
-Une planification claire et précise des 50 000 recrutements promis par le Gouvernement sur le quinquennat
-La fin de la pénalisation du secteur public en matière de cotisations sociales
-Une véritable stratégie en faveur des personnes en situation de handicap (réforme tarifaire, inclusion scolaire, emploi et habitat accompagné, accès aux soins) ;
-Un débat sur la gouvernance du secteur autonomie et son modèle économique : la gouvernance des EHPAD et des SSIAD doit revenir aux ARS
-Une prolongation du plan d’aide à l’investissement pour permettre la rénovation de l’offre médico-sociale publique avec l’identification d’une source de financement et d’un flux d’investissements pérenne dans la branche autonomie.
La FHF rappelle son attache à l’adoption d’une loi de programmation grand âge fixant des orientations fortes, chiffrées et pluriannuelles. À défaut, un mécanisme de programmation alternatif devrait être recherché.
La transition écologique des établissements de santé doit accélérer
Enfin, Arnaud Robinet a souhaité ouvrir le débat sur la transition énergétique des établissements. En l’état, les établissements de santé et les Ehpads représentent 12% de la consommation énergétique du secteur tertiaire, 2% de la consommation nationale, et sont particulièrement concernés par les augmentations du coût de l’énergie.
La FHF s’est attelée depuis plusieurs années déjà à ce défi en publiant en juillet 2020 «50 propositions pour la transition écologique » et plus récemment, en créant un Comité sur la transition écologique en santé, composé de médecins, directeurs et experts. Elle présentera dans les prochains jours sa contribution pour un plan de sobriété énergétique de la santé et du médico-social qui sera prochainement publié et remis aux Ministres concernés.
La FHF rappelle que les établissements ont besoin des pouvoirs publics pour réaliser cette grande transformation. Parmi les pistes d’action possibles, des aides au financement d’une rénovation massive et globale du patrimoine hospitalier français, par exemple sous la forme d’un fonds vert spécifique aux établissements hospitaliers et médico-sociaux dans les situations les plus difficiles, ou l’intégration des établissements de santé dans le fonds vert annoncé par la Première ministre.
Pour Arnaud Robinet, nouveau président de la FHF :
Après un été sous tension et deux ans de fissure progressive, le secteur de la santé et de l’autonomie est à un moment charnière. La FHF a le devoir d’assurer un rôle de vigie afin d’assurer que les ambitions affichées des pouvoirs publics deviennent effectives et d’accompagner les établissements dans ces transformations. Notre attente pour le CNR Santé comme pour le CNR Autonomie est claire : que des actions concrètes soient décidées et qu’un plan de bataille précis soit établi.
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