Le décret n°2020-1182 du 28 septembre 2020 relatif à la modification de la grille des émoluments des praticiens hospitaliers à temps plein et des praticiens des hôpitaux à temps partiel a supprimé les trois premiers échelons de la grille des praticiens hospitaliers (PH) à temps plein et des praticiens des hôpitaux à temps partiel en précisant les conditions de reclassement des praticiens déjà présents dans le corps des PH par le biais d’un tableau de correspondance (article 7 du décret). Les praticiens qui se trouvaient aux trois premiers échelons ont bénéficié d’un reclassement au 1er échelon de la nouvelle grille (ancien 4ème échelon), sans ancienneté conservée.
L’intersyndicale Action Praticiens Hôpital, le syndicat Jeunes Médecins ainsi que plusieurs requérants ont formé plusieurs recours contre le décret, arguant notamment que celui-ci méconnaissait le principe d’égalité et entrainait une inversion dans l’ordre d’ancienneté des PH.
Le Conseil d’Etat, par une décision rendue le 28 octobre 2022 a rejeté l’ensemble des cinq requêtes pour les motifs suivants :
- La différence de traitement entre les praticiens nommés avant et ceux nommés après l’entrée en vigueur du décret est inhérente à la succession dans le temps des règles applicables et n’est pas, par elle-même, contraire au principe d’égalité.
- Les modalités de reclassement des PH n’entrainent aucune inversion illégale dans l’ordre d’ancienneté au sein du corps :
- Elles placent au même niveau d’ancienneté dans l’échelon les praticiens nommés au 1er octobre 2020 et les praticiens précédemment classés entre le premier et le troisième échelon, et reclassés à cette date au premier échelon de la nouvelle grille. Elles prévoient aussi la conservation de l’ancienneté dans l’échelon des praticiens précédemment classés au quatrième échelon et au-delà.
- L’article R. 6152-17 du code de la santé publique prévoit que le classement dans l’emploi de praticien hospitalier des agents qui sont nommés dans le corps tient également compte de la durée des fonctions de même nature effectuées antérieurement à leur nomination et présentant un intérêt pour le service public hospitalier. Le Conseil d’Etat a déterminé que cette circonstance est sans incidence sur le respect du principe d’égalité entre agents d’un même corps, les fonctions ainsi prises en compte ne relevant pas d’une ancienneté dans le corps.
- Concernant l’application de règles particulières de classement pour les PH qui ont démissionné en cas de retour dans le corps, pour empêcher le contournement des règles posées par le décret, elle ne méconnait pas davantage le principe d’égalité ;
- Concernant la différence de traitement entre praticiens contractuels et PH titulaires : elle n’est pas liée à la durée déterminée ou indéterminée de la relation de travail et est justifiée par l’objectif légitime consistant à rendre plus attractif, dès le début de carrière, l’exercice des fonctions de PH dans le cadre d’emplois publics permanents de praticiens titulaires pourvus par la voie d’un concours national destiné à assurer la qualité du recrutement nécessaire aux soins.
- Les moyens d’illégalité externe concernant la tenue du Conseil Supérieur des Personnels médicaux (CSPM) n’ont pas été retenus par le Conseil d’Etat.
Dans une décision rendue le même jour, le Conseil d’Etat a rejeté la requête du syndicat Jeunes Médecins demandant l’abrogation du décret n° 2006-1222 du 5 octobre 2006 relatif aux personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques hospitaliers au motif qu’il exclut les praticiens contractuels du bénéfice de l’indemnité d’engagement de service public exclusif et méconnaitrait ainsi le principe de non-discrimination entre travailleurs à durée déterminée et travailleurs à durée indéterminée. Le Conseil d’Etat a déterminé que « la différence de traitement entre praticiens titulaires et praticiens contractuels, qui sont placés dans des situations différentes pour ce qui concerne la détermination des éléments de leur rémunération, n’est pas fonction de la durée déterminée ou indéterminée de la relation de travail mais est liée à la faculté ouverte aux praticiens titulaires de consacrer une part de leur service à l’exercice d’une activité libérale, la prime ayant pour objet de compenser l’engagement des praticiens titulaires de ne pas faire usage de cette faculté. ». Il considère que « la différence se justifie par l’objectif légitime consistant à rendre attractif l’exercice des fonctions de praticien hospitalier dans le cadre d’emplois publics permanents de praticiens titulaires pourvus par la voie d’un concours national qui assure la qualité du recrutement nécessaire aux soins. ».
Les décisions du Conseil d’Etat viennent mettre un terme aux actions juridiques engagées à la suite des mesures issues du Ségur relatives aux personnels médicaux mais laissent ouverts de futurs travaux sur l’attractivité des carrières médicales, notamment dans le cadre du Conseil national de la refondation volet « Santé ».